Lutte intime

Texte de Simone Dompeyre à propos de la vidéo « Lutte intime » :

Lutte avec l’image, avec le désir de prendre et de laisser libre ce qui est. Capter ce qui advient comme inouï, inattendu, étrange y compris si on le connaît pour l’avoir côtoyé, pour avoir arpenté les rues de son implantation ou l’avoir trouvé lors d’une marche.

Cet objet, c’est l’architectural éclectique de ville acceptant de nouveaux bâtiments sans idée d’urbanisme précise ni décisive. Immeubles plus modernes sans grâce, maisons plus cossues aux grandes fenêtres et celle-là que n’aurait pas refusé India Song mais aussi bâtiment industriel et élément de parc municipal. L’œil désirant survole, s’accroche, repart aussitôt en quête. Il ne dédaigne rien, ni la paroi de bandes métalliques, ni les stores de même matériau, ni les fenêtres aveugles. Les balcons passés, la balustre avec rondeurs recherchées ne l’arrêtent pas plus longtemps que l’immeuble sans grâce. Pas de nostalgie pour le bâtiment avec gargouilles et ronces foisonnantes, cela va et passe.

Les plans quant à eux se souviennent de la précision, des ombres calculées des photographies, des apports par axe et angles incongrus mais ils se laissent prendre par le filage, le mouvement, le temps. Ils sont temps de l’histoire avec les quelques indices des modes de construction glanés, agitato voire accelerando, mais surtout ils induisent à penser le temps du regard sur eux. Temps accéléré. Paradoxalement en ouvrant cette lutte d’avec son regard ‒ d’avec soi-même, par des filages actifs refusant l’iconicité, par le brouillage jusqu’à l’abstraction, par des tressautements, ponctués de renversements d’orientation. En augure, le premier visible, une construction blanche géométrique industrielle, est capté en un passage du haut, au bas, au sol jamais atteint, jamais filmé. Durant les sauts d’un point à l’autre, un hiatus change le déplacement : le renversement du même plan avec arbre rare. La végétation urbaine n’est pas l’objet de la recherche… la tentation de séjour dans le parc est aussitôt dépassée. Ces passages de si brefs regards s’environnent d’une sonorité brutale, sourde, sans répit jusqu’à la focalisation, en plus calme mouvement, sur un rectangle gris de matériau grumeleux qui s’avère par le zoom arrière, sinon en lévitation mais posé sur une vitre. Il signale l’arrêt du voir et rend prégnante l’absence de ces humains qui furent là, qui y vécurent, qui auparavant même, construisirent.