Substrats

« Substrats » est un projet qui a vu le jour à l’Atelier IMIS de Montignac (Charente) de fin avril à début mai 2022. Dans cette expérience artistique avant tout sensible, aucun discours ou texte explicatif n’accompagnait le spectateur, en dehors de ce court texte qui se trouvait à l’entrée de l’exposition:

Substrat (Philosophie): Ce qui sert de support, ce sans quoi une réalité ne saurait exister.
(Le petit Robert)


Cette exposition est une proposition d’expérience sensible dans laquelle il n’y aura aucune interférence de mots (pas de médiation, de discours d’artiste, de titres ou de texte explicatif autre que cette courte note en guide de mode d’emploi). Je souhaite que les pièces artistiques présentées dans cette exposition, bien qu’elles aient leur histoire trouvent, en l’absence d’explications, une signification qui
ne tiendra qu’à ce que vous voudrez bien y trouver
.

Voici, dans l’ordre, les pièces qui faisaient partie du projet:

Paysage

2022, deux photographies numériques imprimées sur le même papier de 77 x 60 cm


Suite logique

2022, série de 5 photographies numériques de 40 x 30 cm, contrecollées sur carton plume


Trois plans

2022, triptyque de photographies numériques de 30 x 20 cm


Matière noire

2022, vidéo et son, 6’50’’, diffusion sur écran de télévision


Image

2022, peinture à l’huile de 43 x 32 cm sur toile


Fantaisie

2022, photomontage numérique de 40 x 30 cm

Affronter le monstre

2022, diptyque de peintures à l’huile de 40 x 30 cm



Kaléidoscope

2022, série de 9 photographies numériques, dimensions variées


Psyché

2019 vidéo et son, 4’36’’, diffusion sur une planche en bois de 100 x 178 cm posée au sol

Puis, à la sortie de l’exposition, il était proposé au spectateur de feuilleter un livre, Substrats, la forme et le fond, qui fait partie du projet. Voici un texte d’introduction que l’on y trouve:

Dès lors que vous commencerez à lire ces mots qui ont été écrits à propos de substrats, le paradoxe de ma démarche artistique s’est enclenché : à l’intérieur de cette revue, je m’explique sur les raisons pour lesquelles j’ai voulu proposer l’expérience d’une exposition
dans laquelle il n’y aurait pas d’interférence de mots, tout en y intégrant la possibilité de la prolonger avec les écrits suivants qui occupent, de fait, une place périphérique à l’exposition.


Aussi loin que je puisse m’en souvenir, la création artistique a été pour moi un médium d’expression qui n’avait rien à faire avec celui des mots. Cette idée de l’art comme langage à part entière, c’est-à-dire comme vecteur d’expression et d’échange, habite mes réflexions
à la manière d’un fantasme. En même temps, il est pour moi évident que si une œuvre touche un spectateur, le contact qui a lieu ne tient qu’à ce que ce dernier projette sur celle-ci. C’est, autrement dit, une rencontre avec soi-même. Mais j’ai aussi voulu écrire des mots
pour justifier leur absence à l’intérieur de l’exposition. J’utilise le mot « justifier » parce que de par ma formation, ma sensibilité personnelle, le mode de fonctionnement des œuvres et du monde de l’art contemporain, il me semble impossible d’éviter une absence totale des mots.


Bien avant d’arriver à la formuler, une problématique a mûri pendant des années, dissimulée dans les méandres des questionnements, avant de surgir clairement aujourd’hui. Il s’agit d’une interrogation sur le rapport qu’entretient une œuvre artistique avec le discours qu’on
pose sur elle. J’ai, pour ma part, toujours évité de poser trop de mots sur les intentions qui motivent mon travail car justement, celles-ci gisent dans l’ombre : difficiles à raconter dans un texte court, leurs origines sont le plus souvent lointaines, confuses et diverses,
leurs frontières troubles. Certaines d’entre elles sont chargées de petites histoires : des projections personnelles qui les transforment en substrats. Par ce mot j’entends désigner une œuvre qui soutient une idée ou une intention qui nécessite l’interférence des mots
pour être entièrement livrée au spectateur. La clef de substrats est ici : si l’intention textuelle d’une œuvre transforme cette dernière en un support d’idée ou substrat, j’observe que l’œuvre a deux façons de se présenter au public ; sans et avec des mots.
Substrats présente des pièces artistiques dont la création a été laborieuse car elles proviennent toutes d’un questionnement sur la création elle-même, sur les frontières de son existence, sur les formes en train de se faire pour être partagées. Les œuvres exposées sont comme des pièces d’un puzzle : elles sont liées entre elles. Elles le sont aussi avec toutes mes autres créations hors exposition. Chaque pièce entretient un rapport différent à l’intention qui lui est liée. Certaines intentions sont des réflexions racontées, d’autres présentent diverses manières de remettre en question les limites et les contextes qui les font exister.